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Terres de Guérande, ensemble pour la bio !

Terres de Guérande, ensemble pour la bio !

Le 13/11/2024

Entre mer et marais aux terres difficiles à valoriser, la bio s'est taillé une place de choix dans la presqu'île de Guérande, diversifiant une agriculture tournée vers l'élevage bovin. Pour y parvenir, les producteurs ont su très tôt travailler les uns avec les autres. - Marie-Pierre Chavel.
Plantation de poireaux à la ferme bio de Lévéra. Ils ne seront arrosés qu’une fois avant récolte. La croissance sera plus lente mais l’économie d’eau, réelle. ©Hélène-Marie Backès

Entre mer et marais aux terres difficiles à valoriser, la bio s'est taillé une place de choix dans la presqu'île de Guérande, diversifiant une agriculture tournée vers l'élevage bovin. Pour y parvenir, les producteurs ont su très tôt travailler les uns avec les autres.

Marie-Pierre Chavel.

Éloïse Allonville. ©Hélène-Marie Backès

Suivez la guide :

Éloïse Allonville

Cogérante du magasin Biocoop Les Hameaux Bio à Guérande (Loire-Atlantique)

Éloïse Allonville avait prévenu : il pleut souvent à Guérande. Effectivement, lors de notre visite fin mai, les herbes hautes font disparaître les talus le long des fossés pleins d’eau. Les arbres, feuillus et conifères, montent en flèche vers un ciel bleu gris qui libère une bruine sur les champs. On connaît Guérande pour ses marais salants, moins pour ses terres agricoles, chassées de la côte par l’urbanisation. "Les meilleures sont sous le centre commercial", ironise Lydie Crusson, maraîchère de la ferme de Lévéra. Elles résistent encore entre coteaux et bocage, notamment dans la Brière, autre marais aux chaumières semblant sortir d’un conte pour enfants. Mais pour être paysan ici, pas de baguette magique, il faut se bouger ! Ce qu’a commencé à faire la bio il y a quarante ans. Aujourd’hui, près de 30 % des fermes de la communauté d’agglomération dont fait partie Guérande sont engagées dans la démarche. Un "beau vivier" pour la gérante, avec ses frères et sa mère, des sept magasins Biocoop Les Hameaux Bio. Celui de Guérande travaille avec 80 producteurs locaux.

Les Hameaux Bio forment un groupe de sept magasins Biocoop (ici, celui de Guérande, avec une partie de son équipe), des restaurants et une boulangerie. ©Hélène-Marie Backès

Actifs collectifs

Le premier des Hameaux Bio est né en 1992, avec une petite offre locale qui allait vite progresser. La mobilisation démarrée vingt ans plus tôt contre le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes avait fédéré les acteurs de la bio, selon Solenne Goujon, paysanne-boulangère administratrice du groupement départemental des agriculteurs bio (GAB 44) : "Ça a été un catalyseur d’idées pour qui voulait changer de modèle agricole." Tel Gérard Macé, éleveur à Piriac-sur-Mer depuis les années 1980. Avec ses associés en Gaec, il avait parfois le sentiment de faire "les choses pas bien" pour eux et pour les clients qui, via la vente directe, "font se poser des questions". Alors ils commencent par réduire les pesticides et finissent… par être certifiés bio. "Beaucoup ont fait comme nous", assure-t-il, toujours engagé dans divers collectifs. Ce n’est pas ce qui manque ici !

 

Le GAB 44 forme, conseille, accompagne.Actuellement, avec les Parcs naturels régionaux, il mène une expérience dans celui de la Brière visant à accompagner les fermes souhaitant aller au-delà du cahier des charges européen sur les volets social et biodiversité. Quelques éleveurs laitiers bio ont, eux, créé dès 1994 leur propre outil de valorisation du lait, Biolait. Devenu sociétaire de Biocoop, ce groupement collecte désormais le lait de 1 200 fermes dans toute la France. Celle d’Emmanuel Desbois qui élève 55 vaches dans la Brière est de celles-là. "On a des contrats de cinq ans, ça donne de la visibilité. Être adhérent permet d’avoir un œil averti sur les décisions", explique-t-il. Des maraîchers s’organisent pour livrer la restauration collective, des paniers solidaires, ou encore, en circuit plus long, des magasins spécialisés, comme c’est le cas de l’association Bio Loire Océan qui fournit Biocoop au niveau national. On peut aussi citer la filière d’orge brassicole bio, en train de se structurer.

Lydie Crusson et Dominique David

Respect bio !

À La Madeleine-de- Guérande, leur ferme est au cœur d’un îlot bio de 200 hectares. "Le problème de la contamination par des pesticides ne se pose pas", se félicitent les maraîchers. Ce qui ne les empêche pas d’être aux petits oignons avec la trentaine de légumes qu’ils produisent. Dominique David passe sept jours sur sept sur ses 25 hectares. "La vigilance et la prévention sont nos premiers outils de lutte contre les ravageurs, dit-il. On a une grande surface pour pouvoir faire des rotations longues, ça limite les maladies." Passionné, il aurait pu perdre le goût du métier lorsqu’il était ouvrier agricole chez un patron en conventionnel qui répétait : "On ne fait pas des légumes mais du chiffre !" Il a préféré le mettre dans la ferme qu’il a créée directement en bio en 2007. Lydie Crusson l’a rejoint en 2011. Depuis les débuts, ils disent avoir réduit de 60 % leur consommation d’eau grâce au goutte-à-goutte. Leur matériel est souvent acheté d’occasion. La mécanisation facilite le travail de la dizaine de salariés. "Mais il n’y a pas de solution miracle. En cas de problème, il faut rattraper à la main." Ils livrent les magasins Biocoop de Savenay et des Hameaux Bio, sauf à Pornic et Nantes pour ne pas "marcher sur les platebandes d’autres maraîchers, précisent-ils. Le respect des autres, c’est ça aussi être bio".

Lydie Crusson et Dominique David. ©Hélène-Marie Backès

Militants et engagés

Au magasin de Guérande, "on est attentif aux producteurs locaux, on leur donne un coup de main si nécessaire", reprend Éloïse Allonville. Elle les trouve militants, engagés, innovants. De plus en plus de transformateurs répondent aux nouvelles tendances sociétales (vrac, réemploi…) avec de nouveaux produits qui rendent "la bio plus sexy". Elle évoque notamment des plats et boissons à base de céréales variées et de légumineuses, idéales pour végétaliser l’alimentation.

 

Dommage que des ombres ternissent ce beau tableau bio. Les hivers trop doux qui n’éliminent plus les parasites des sols devenus difficiles à travailler. Les pluies de ce printemps qui ont empêché de planter des céréales, gâché les foins, décalé les plantations maraîchères.

 

Puis il y a le foncier, devenu rare. "Dès qu’une terre se libère, elle va à l’agrandissement des fermes conventionnelles, peste Dominique David de la Ferme de Lévéra. Dans les années 1980, les plus grandes faisaient 40 hectares. Aujourd’hui, c’est 400 !" Le tourisme grignote lui aussi du terrain. Pour le canaliser, un périmètre de protection d’espaces agricoles et naturels périurbains (Péan) met à l’abri de la bétonisation 2 400 hectares. Mais le Gab 44 préférerait "la reconstruction de la ville sur la ville" pour arrêter l’urbanisation des terres agricoles. "Le Péan ne doit pas être qu’une façade qui verdit une politique de bétonisation", dit Solenne Goujon. Et il y a les crises : l’élevage qui n’attire plus, l’inflation, le mépris des pouvoirs publics, la défiance des consommateurs… Certains y laissent des plumes. D’autres espèrent que ceux qui font de la bio par opportunisme seront découragés. Dominique David croit au rôle des producteurs pour reconquérir la société : "On doit ouvrir nos fermes, faire de la pédagogie." Ce qui pourrait amener les consommateurs, comme en rêve Béryl Rouiller du GAB 44, "à donner un nouveau souffle à la bio et à faire émerger de nouveaux modèles". Comme il y a quarante ans.

Gérard Macé. ©Hélène-Marie Backès

Gérard Macé

"Nos modèles fonctionnent."

Après trente-neuf ans dans le Gaec familial (vaches laitières et poules bio, lapins), Gérard Macé en a repris les volailles, seul, en 2019, à Piriac-sur-Mer. Trois hectares, quatre poulaillers, 4 400 pondeuses et un centre de conditionnement font de ce fournisseur d’œufs des magasins Biocoop de Guérande et Pornichet un "gros éleveur parmi les petits et un petit parmi les gros", dit-il. Des grosses fermes, ici il y en a. Si grosses qu’elles sont inaccessibles à qui voudrait se lancer en agriculture. "À moins de s’organiser à plusieurs", conseille-t-il aux jeunes. Lui a modernisé la sienne justement pour la rendre transmissible et pour qu’elle fasse vivre deux personnes. Ce sera Ronan Lebreton et sa compagne Marjolaine Defains qui s’installeront en 2025. "On s’est battu pour leur trouver de nouvelles terres", dit avec fierté l’infatigable Gérard. On ne l’imagine pas à la retraite, il a encore des combats à mener. Pour une réglementation spécifique aux petits élevages, pour des races de poules adaptées à la bio, rustiques, résilientes, et non "des poules de compétition issues de la génétique industrielle", pour la biodiversité… Parce qu’il a toutes les raisons d’y croire : "Quand on est passé en bio, on nous a prédit la catastrophe, l’effondrement des rendements. Mais on est toujours là, nos modèles paysans et en circuit court fonctionnent."

Chaque jour, Ronan Lebreton passe deux à trois heures à collecter à la main les œufs des 4 400 pondeuses de Gérard Macé. Ce qui lui permet, dit-il, de passer "du temps dans le poulailler à écouter les poules". ©Hélène-Marie Backès

Delphine Jégu

La passion de la transformation

Professeure d’espagnol dans un collège, elle n’avait pas imaginé se retrouver dans l’agroalimentaire. Jusqu’à ce qu’un bilan de compétences l’oriente vers la fabrication du fromage. "Plus jeune, en vacances au Pays basque, j’étais en admiration devant les fromages de brebis, confie cette fille de pâtissier. Mettre les mains dans la pâte, j’ai toujours trouvé ça noble." En février 2023, après une formation de sept mois à Aurillac (Cantal) et des essais dans sa cuisine, elle installe son labo au fond de son jardin à Saint-Nazaire et crée une petite gamme de fromages au lait de vache. Bio, forcément. Son mari, Alain, a été pendant plus de dix ans le gérant du magasin Biocoop de Pornichet. Aujourd’hui, elle y livre sa production, ainsi qu’à Guérande. Très exigeante, elle veut tout approfondir et ne rien laisser au hasard. Emmanuel Desbois, éleveur à Guérande, lui fournit le lait. "On est sur la même longueur d’onde, sur l’hygiène, le bien-être animal", dit-elle. Les vaches, nourries principalement à l’herbe, sont au pré le plus souvent possible, presque 24 h/24 l’été. L’éleveur, qui vend 90 % de son lait pour le circuit long, est content de savoir où va celui qu’il vend à Delphine et dit "apprécier qu’il reste en local".

Delphine Jégu. ©Hélène-Marie Backès
Partenaire agricole de Delphine Jégu, Emmanuel Desbois apprécie que son lait soit valorisé localement. ©Hélène-Marie Backès

ÇA C'EST BIOCOOP

  • MAGASINS. Au 1er juin, la Loire-Atlantique comptait 25 magasins Biocoop, à Blain, Carquefou, Châteaubriand, Clisson, Guérande, La Chapelle-Basse-Mer, Nantes, Orvault, Pornic, Pornichet, Rezé, Sainte-Anne-sur-Brivet, Saint-Géréon, Saint-Nazaire, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Saint-Sébastien-sur-Loire, Savenay, Trignac, Vallet. 
  • PAYSANS ASSOCIÉS. Ce sont les groupements 100 % bio sociétaires de Biocoop, Biolait par exemple, dont certains adhérents, producteurs de lait, sont présents en Loire-Atlantique.
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